Vendredi 10 avril

Confinement : J25

Ressenti : 8 x 7 ou 7 x 8

Cher corona,

Dernière ligne droite pour l’école à la maison. Je commence à mieux comprendre la réaction des enseignants le dernier jour des vacances du genre « cette période a été assez longue, les enfants sont fatigués, on se revoit à la rentrée », alors que, moi, j’avais l’impression que les dernières vacances étaient hier. Aujourd’hui, je le dis : si je suis ministre des écoles, j’instaure pleins de petites périodes entrecoupées de pleins de petites vacances. Comme ça, juste pour soulager (je t’en prie, c’est cadeau !).

Aujourd’hui, je me retrouve dans la peau d’un enseignant en fin de période : j’ai tout donné. Sauf que moi, je ne dis pas « les enfants sont fatigués », je dis « les enfants sont un poil fatigants ». Nuance.

Je ne dis pas que les filles ne travaillent pas. Au contraire. Je suis étonnée qu’elles arrivent si bien à travailler. Il faut dire que malgré toute ma bonne volonté, ici, ce n’est pas vraiment l’école. C’est juste une illusion, comme une bulle de savon. Cantine, salle de classe et cour de récré… Tout est dans le même espace. Boulot, leçons, animation… Tout est dans la même maison. D’ailleurs, elle n’a jamais été aussi polyvalente. Moi non plus.

Alors que j’avais un œil sur la leçon des polyèdres, une oreille à l’écoute de la table de 6 et une main sur mon clavier d’ordinateur, je me suis dit que la difficulté de faire l’école à la maison quand on est parent n’est pas de faire l’école à la maison quand on est parent, mais d’être un parent qui fait l’école. Nuance.

C’est marrant, mais côté crédibilité, la maîtresse l’emporte haut la règle.Peut-être parce qu’elle n’est ni en pyjama quand elle explique la règle de 3, ni en train de faire un gratin de patates en faisant réciter une leçon de maths… et surtout qu’elle ne finit pas par hurler à bout « mais puisque que je te dis que le pluriel, ça prend un « s » ».

Ou peut-être parce qu’elle se rappelle ce qu’est un polyèdre (elle !), qu’elle ne fait pas semblant de savoir toutes ses tables par cœur et qu’elle connait la dernière méthode pour faire une soustraction avec retenue (« quoi, tu ne connais pas la méthode par cassage, maman ?! » Ben, non, à mon époque, c’était la méthode traditionnelle, comme quoi même en maths les traditions se perdent !)

Ou peut-être, parce qu’elle n’a pas l’impression de faire l’école à son mini-moi. Car, faut avouer : faire l’école à son enfant, c’est un peu comme faire l’école à un nous-même qui a 30 ans de moins. Même astuces pour esquiver une question (« je taillais mon crayon, je ne t’ai pas entendu»), même mauvaise foi (« si, c’est vrai, je l’ai lu ! ») et surtout même honnêteté (« ce n’est pas comme cela que fait la maîtresse, ta méthode je n’y comprends rien »). Je me revois, petite, à la table de la salle à manger répondre la même chose à maman. Par contre, on n’était pas en confinement. Nuance.

En tous cas, ma fille m’a dit que la maîtresse lui manquait. Je lui ai répondu « moi aussi ». Puis, j’ai ajouté « cette période a été longue, vous êtes fatigués ». Et je crois bien que moi aussi.